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Critique | Sexe, Prêches et Politique

par Luiz Santiago - 4 novembre 2016 @planocritico




Comme nous le dit le synopsis de ce documentaire, le Brésil fabrique et vend une image de sa société où la sexualité est libérée et la diversité respectée. Cependant, ce même Brésil se révèle être un pays conservateur où les femmes meurent à cause de l’interdiction de l’avortement et où il y a le plus de meurtres d’homosexuels et transsexuels dans le monde.

Réalisé par Aude Chevalier-Beaumel et Michael Gimenez, Sexe Prêches et Politique (2016), passe rapidement sur le dilemme des victimes de préjugés ; le soutien qu’ils ont – ou non – en tant que citoyens, pour avoir leurs droits civils/humains garantis et leur usure immense face à la sphère politique.

Avec cette thématique, l’œuvre propose un regard aiguisé sur le paradoxe de la liberté sexuelle. Si d’un côté, nous parlons d’un Brésil qui théoriquement parle ouvertement de sexe, possède des musiques très sensuelles (ou même « interdites », pour des motifs biens spécifiques), il possède aussi beaucoup d’exemples de groupes mal vus socialement ; d’autre part, il existe des individus qui luttent pour que tous retournent au silence et que certaines conquêtes obtenues soient aujourd’hui retirées.

D’une certaine manière, ce documentaire est une session de torture morale, éthique et humaine. Voir une salle du Congrès destinée au culte ; un député pasteur dire dans un prêche que l’homosexualisme (sic) est l’étape logique vers la pédophilie et la zoophilie (oui, il dit vraiment ça, le prêche est dans le documentaire) ; un député pasteur dire que même en cas de viol il fera tout son possible pour que la victime n’avorte pas… tout cela peut énerver le spectateur jusqu’à un point où il devient difficile de ne pas lâcher une insulte ou d’avoir envie de crier en pleine salle de cinéma.

La ligne d’investigation de l’œuvre part de l’assassinat de Jandira Magdalena dos Santos Cruz, 27 ans, qui après un avortement qui a mal tourné dans une clinique clandestine, a été brulée par un gang mafieux, qui voulait effacer les traces. Le film commence avec des questions aux figures intolérantes emblématiques et bien connues des brésiliens, comme le député pasteur Marco Feliciano ou le député chrétien Jair Bolsonaro, qui avec ses fils a la délicatesse de demander au réalisateur Michael Gimenez s’il aime donner son trou du cul. Tel est le niveau de participation des députés pasteurs dans le film, sans parler de l’interview de Silas Malafaia et de son idée de « détruire l’argument juste à la sortie », autre exemple très étonnant.

Avec autant de bombes à interviewer et un thème aussi dense dans les mains, les réalisateurs auraient pu aller plus loin avec ce film, en incitant certaines discussions, et en faisant avancer le débat. À un moment donné, il y a une déviation thématique incohérente, en se concentrant uniquement sur des questions de politique d’État, loin des violences contre les femmes et contre les libertés individuelles et le libre exercice de la sexualité. À la fin, ce thème revient et est traité comme il se doit, mais cette déviation a un coût négatif.

Sexe Prêches et Politique montre seulement une partie de l’action du banc des évangéliques au Congrès National et de ce qu’il a fait pour rendre la Constitution un espace sacré. La laïcité de l’État est vue comme une blague de mauvais goût tout au long, et nous ne savons pas si nous sommes en train de regarder une blague de Dias Gomes déguisée en documentaire ou si nous voyons un petit morceau de la triste réalité sociopolitique du Brésil, où les questions de poids, qui ont de l’influence sur la vie de millions de citoyens, s’appuient sur des principes religieux, sans consultation populaire et avec comme base une foi qui n’est pas celle de tous, mais qui au Brésil de ces dernières années (ce documentaire est de 2016 !), leur sert tous de paramètre pour gouverner. Horreur ! Horreur !



Traduction: Michael Gimenez et Aude Chevalier-Beaumel

Article original en Portugais ici