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Un documentaire révèle le paradoxe
de la liberté sexuelle au Brésil


Par Patricia Moribe - Publié le 21-03-2017 Modifié le 22-03-2017 à 20:51

Scène de “Sexo, Pregações e Política”, d'Aude Chevalier-Beaumel et Michael Gimenez.

L'un des clichés les plus forts de l'image du Brésil à l'extérieur du pays est celui de la liberté sexuelle, de la sensualité extravagante. Le duo français de cinéastes - Aude Chevalier-Beaumel et Michael Gimenez - a décidé de s'attaquer à cette question, le résultat est un documentaire intense sur un Brésil en mouvement, mais avec ses contradictions, dans le contexte de l'augmentation alarmante des évangéliques dans la scène politique nationale.


Envoyé spécial à Toulouse

« Sexe, Prêches et Politique », une production franco-brésilienne, est en compétition pour le prix du meilleur documentaire du Festival Cinelatino de Toulouse, dans le sud-ouest de la France.

Le film commence par la mise-en-scène d'une affaire qui a choqué le Brésil en 2014, la mort de Jandira Magdalena dos Santos Cruz, 27 ans. Enceinte, elle s'est rendue dans une clinique clandestine d’avortement dans la banlieue de Rio de Janeiro et son corps a été retrouvé mutilé et carbonisé. Les répercussions de ce cas sont à l'origine de l'Opération Hérode de la Police Fédérale pour démanteler les cliniques d'avortement. Tous les personnages interviewés sont confrontés à la même question: « Qui a tué Jandira? ».


Une thématique taboue

« Nous avons commencé à filmer instinctivement pendant les campagnes législatives et présidentielles », dit Aude, qui vit depuis dix ans au Brésil. Ils ont pris conscience que la question de l'avortement n'était pas abordée par les candidats à la présidentielle, par contre certains candidats évangéliques aux législatives ont vu le potentiel de voix qu'ils pouvaient gagner en brandissant la bannière du « contre ».

Le duo a interviewé des candidats évangéliques ultra conservateurs comme Marco Feliciano, Silas Malafaia et Jair Bolsonaro. Pour Gimenez, ce dernier, soldat de carrière, ex-catholique, converti pendant la course électorale, a été le plus choquant. « Je savais qu'il y avait du machisme au Brésil, mais pas à ce point extrême, et surtout avec autant de popularité. »

Le contrepoint de la défense de l'avortement et de la lutte contre les préjugés sexistes est apporté par des témoignages de candidats de l'autre côté du spectre, comme Jean Wyllys (PSOL) et des représentants des mouvements sociaux et humanitaires. « Une personne très courageuse avec une rare vision large du monde », dit Gimenez sur Wyllys, ouvertement gay, qui s'est fait connaître en participant au programme Big Brother. « La question de l'homosexualité est entré dans la salle à manger des Brésiliens. Le public m'a apprécié et a dû traiter avec elle », se souvient Wyllys dans le documentaire.


Comparaisons avec la France

Le public du festival a applaudi le film et proposé des parallèles avec la situation en France. « Vous devez faire un film sur la corruption ici, vous verrez beaucoup de choses », a plaisanté un spectateur à la séance des questions réponses.

Aude convient que le fait de se présenter comme un équipe indépendante et étrangère a pu faciliter l'accès aux personnages. « Mais, en même temps, ils aimaient l'idée d'apparaître à l'extérieur du pays », dit-elle. « Et le discours était le même, que ce soit pendant le culte ou lors des entretiens, » ajoute-t-elle.

« Sexe, Prêches et Politique » a été présenté au Festival de Brasilia et à la Mostra de São Paulo. Au Brésil, il sera diffusé par Canal Brasil.



Traduction: Michael Gimenez et Aude Chevalier-Beaumel

Article original en Portugais ici